3/c- Méthode de protection du nourrisson
Les nourrissons étaient considérés comme étant des proies faciles pour
les esprits maléfiques. Jusqu’au baptême, ils étaient l’objet de nombreux rites
de protection. Mais l’essentiel pour l’enfant était qu’il ne sorte pas de la
maison familiale jusqu’au baptême. Une expression de la région insiste
d’ailleurs sur ce fait : « Es Kind soll nit under Ziele
heruskomme », ce qui signifie que l’enfant ne doit pas dépasser les
tuiles de la maison.
Malheureusement, les puissances infernales pouvaient tout de même
pénétrer dans la maison du nouveau-né. Les elfes et les lutins étaient
particulièrement redoutés car ils étaient connus pour remplacer les
enfants endormis dans leur berceau, par leurs propres enfants monstrueux.
La crainte de l’étouffement du nourrisson était omniprésente. Cette mort
était imputée à des esprits infernaux, qui se couchaient sur la poitrine des
bébés, tels que le Schratzmännel, dans les régions de Soultz et
Mühlbach, le Doggele, à Illzach, ou encore le Doggelmann dans la
région de Niedermagstatt. Un autre nom, d’origine bohémienne, était aussi
employé : le Kinderpopanz.
Pour protéger l’enfant de ces esprits, certaines familles laissaient une
lumière allumée dans sa chambre. Dans la région de Hunspach, c’est la grand-mère
qui chassait les démons en écrasant dans la chambre du nouveau-né un oignon,
symbole de vie, d’un coup de sabot. Les familles de Sunhoffen, quant à elles,
frappaient à intervalle régulier dans les portes, durant la nuit, et fixaient
des balais, à base de genêts, retournés sur les murs. Il était également
possible, pour les plus littéraires, d’écrire des poèmes à valeur magique sur
la porte de la chambre du nourrisson.
Le berceau était aussi protégé, afin que l’enfant soit toujours en
sécurité. Les familles catholiques, par exemple, avaient l’habitude d’accrocher
au berceau des feuilles de prières, ou des médailles bénies.
Les berceaux étaient en général peints, recouverts d’inscriptions et
d’icônes de protection aux significations magiques.
Il arrivait également de déposer au fond du berceau un objet métallique
tranchant, de type faucille ; le métal mettant en échec les démons
malfaisants.
Le Wagelseil, cordelette reliant le berceau au lit maternel et
permettant de bercer l’enfant à distance, se voyait, souvent pour l’occasion,
noué trois fois, symbolisant la Sainte Trinité.
La protection du nourrisson ne se faisait pas qu’à travers les objets
l’entourant. Ses contacts avec le monde extérieur influaient beaucoup. Les
chats étrangers, notamment, étaient bannis de la maison car ils pouvaient être
des sorcières jalouses du bonheur de la famille.
Seuls les très proches avaient le droit de voir l’enfant avant le
baptême. Ils devaient pour l’occasion apporter des cadeaux ( des denrées
alimentaires pour la mère et des vêtements pour le bébé ), afin de montrer
leurs bonnes intentions à l’égard de la petite famille. Par contre, ils ne
devaient pas formuler de trop grands vœux pour l’enfant, sans quoi cela
attirerait des esprits maléfiques jaloux. Leurs remarques devenaient alors des
plus courantes : complimentions de la mère, recherche des ressemblances
entre enfant et parents, etc…
Après la
naissance proprement dite, il est intéressant de se pencher sur ce que les
croyances populaires alsaciennes prévoyaient pour chaque enfant, en fonction de
leurs premières particularités.