3/g- Mortalité de la mère et de l'enfant
LES FEMMES QUI MEURENT
EN COUCHES
Les risques de mortalité de la mère étaient très redoutés par la
famille. On craignait notamment les hémorragies utérines et les fièvres
puerpérales. C’est pourquoi on avait pour coutume de ne pas laisser dormir la
femme dans les heures qui suivaient l’accouchement. Les femmes du voisinage se
réunissaient près de l’accouchée et caquetaient, le Ratsch Stub, afin de
la maintenir éveillée. Les sages-femmes étaient également obligées de rester
veiller l’accouchée pendant les vingt-quatre heures suivant la naissance.
La mortalité maternelle touchait toutes les classes sociales, et étaient
plus élevée si l’âge de la femme était avancé. La grossesse était considérée
comme la période où le risque vital était le plus élevé pour les femmes.
Cette mortalité maternelle s’accompagnait de nombreuses histoires, ayant
pour but de répondre aux questions des enfants et de rassurer les adultes. La
majorité de ces légendes raconte que la mère revient la nuit donner du lait à
son enfant ; c’est pourquoi les Alsaciens avaient pour habitude de les
enterrer munies de bons souliers de marche, afin qu’elles puissent faire le
trajet chaque nuit entre le Ciel et la maison familiale.
Il arrivait fréquemment que l’on dise que les femmes mortes en couches
avaient un droit d’accès direct au Ciel.
Malgré tout, même si la disparition de la mère entraîne de grands
risques pour la survie de l’enfant, cette mort, comme celle des enfants en bas
âges, est perçue par les Alsaciens comme un événement naturel.
BAPTÊME DES ENFANTS
MORTS EN COUCHE, ET BAPTÊME D’URGENCE
D’après la bible, seuls les êtres baptisés ont accès au Ciel.
Un enfant, qui naît après un accouchement dystocique, ou avec une
maladie grave, fait l’objet de toutes les attentions. En effet, la médecine n’étant
pas aussi performante qu’actuellement, les risques de mortalité pour de tels
enfants étaient extrêmement importants. C’est pourquoi on s’empressait de les
baptiser, afin que, s’ils mouraient rapidement, ils aient tout de même accès au
Ciel.
Ces baptêmes d’urgence étaient de préférence effectués par un
ecclésiastique. Mais l’urgent étant, la sage-femme avait plus souvent cette
tâche ; c’est pourquoi l’Eglise s’investissait tant dans leur enseignement
religieux.
Malgré l’urgence de ce type de
baptême, l’Eglise voulait associer l’ensemble de la communauté, comme lors d’un
baptême normal. C’est pour cette raison qu’elle recommandait de sonner tout de
même un coup de cloche lors du baptême, afin de faire partager l’événement (
Règlement ecclésiastique du Comté de Hanau, 1659 ).
Malheureusement, si l’enfant mourait avant d’avoir le sacrement du
baptême, la question de la destinée de son âme se posait en dilemme à ses
parents. Les croyances populaires laissaient
Il était fréquent aussi d’entendre que les enfants non baptisés se
transformaient en Kobold, esprit taquin et méchant envers les humains. Dans les
régions de Weiterswiller et de Sainte-Marie-aux-Mines, on pensait que ces enfants
devenaient des feux follets.
Heureusement, toutes les croyances alsaciennes à ce sujet ne sont pas
toutes si effrayantes pour l’enfant. Une croyance veut, par exemple, que leurs
âmes deviennent des anges qui vivraient dans un Ciel pour enfant, le Kinderhimmel.
Les parents, entourés de telles croyances et craignant pour l’âme de
leur enfant, tentaient le tout pour le tout pour baptiser malgré tout leur
enfant. Certains parents allaient même jusqu’à enterrer leur enfant sous le
chéneau de la gouttière de l’église paroissiale, afin que l’enfant reçoive de
l’eau de pluie tombée lors d’un baptême.
D’autres parents faisaient appel au prêtre afin de le baptiser quand
même. Mais, le baptême ne se faisant qu’aux vivants, les parents et le prêtre
devaient invoquer des saints réputés pour pouvoir rendre la vie un bref moment.
Les plus appelés étaient saint Etienne, sainte Kunégonde, sainte Rosalie, mais
surtout sainte Marie. Certains lieux étaient même devenus des lieux de pèlerinage
pour ce type de demande. La commune de Kienzheim, par exemple, était devenue au
XVIIème siècle un lieu de pèlerinage consacré à sainte Marie (d’après les
notes de l’abbé Bernardin).
Au XIXème siècle, une réforme de l’Eglise insista sur le fait que le
Salut éternel ne reposait plus sur l’absolue nécessité d’être baptisé. La
coutume de baptiser les enfants morts s’arrêta peu à peu.
Toutes les joies dues à une naissance n’étaient réservées qu’aux couples
alsaciens. Les filles-mères étaient montrées du doigt comme l’exemple à ne pas
suivre, et nombres d’entre elles vivaient leur grossesse plus comme un calvaire
qu’une bénédiction.